Comment la mise en relation de la consommation en eau d’un peuplement, avec la quantité de précipitations et les réserves en eau du sol, peut-elle contribuer à expliquer les dépérissements constatés ces dernières années ?

Les impacts du changement climatique et leur perception sont des enjeux majeurs pour les années à venir, particulièrement en sylviculture où la forêt d’après-demain est celle créée dès aujourd’hui.

De plus, face au dépérissement constaté, plusieurs interrogations se posent, comme par exemple, pour la gestion en Sylviculture Mélangée à Couvert Continu (SMCC), de conserver ou non les gros bois (ce qui est habituel dans cette sylviculture).

Mais la SMCC offre aussi l’opportunité de s’appuyer davantage sur les mélanges d’essences locales, dont certaines sont plus résistantes aux sécheresses. D’où l’importance de mieux connaître les mécanismes à l’œuvre dans ces dépérissements pour mieux adapter les choix à venir, tant sur les arbres adultes en place, que sur les renouvellements à installer.

Ainsi, à travers ce projet, nous souhaitons pouvoir décrypter :

  • pourquoi une sécheresse s’établit en forêt;
  • comment la quantifier;
  • comment les arbres sont impactés

Contexte

La gestion des forêts en SMCC favorise la diversité des essences et des tailles, créant ainsi un étagement de la végétation. Le contexte géologique local, et surtout les sols (=pédologique), ne sont pas propices à la réserve en eau. Les sols présentent, en effet, de faibles réserves utiles, c’est-à-dire d’eau accessible à la végétation.

Pour comprendre le lien entre les dépérissements, la réserve en eau, les précipitations, et le mode de gestion, il est nécessaire de s’intéresser au bilan hydrique au niveau des sols. Il s’agit de l’ensemble des flux d’eau entrants et sortants au niveau des sols (figure ci-contre). Lors d’une précipitation, une partie de l’eau arrive au sol et soit s’y infiltre, soit elle est absorbée par la végétation. Une autre partie de la pluie va être interceptée par le feuillage. Cette eau retenue va directement repartir vers l’atmosphère par évaporation, sans alimenter les réserves en eau du sol. La quantité de pluie interceptée varie suivant l’intensité de la pluie, l’espèce d’arbre, ou encore la densité du feuillage. Enfin, la végétation transpire par le feuillage et de l’eau s’évapore du sol et du sous-étage; ces deux flux forment ensemble l’évapotranspiration.

Ainsi, la quantité de feuilles intervient dans plusieurs processus: plus il y a de feuilles, plus il y a de transpiration et, par conséquent, plus il y a de consommation d’eau pour contrebalancer la perte. Dans le même temps, plus il y a de feuilles, plus il y a d’interception de la pluie par le feuillage et donc moins il y a d’eau qui participe à alimenter les réserves en eau du sol.

On peut alors se demander, l’ouverture et la composition du couvert forestier modifient-t-elles la sécheresse du sol ?

Le protocole expérimental

Pour évaluer l’impact du couvert, il faut s’intéresser à la quantité de feuilles. Ceci peut se faire grâce à la détermination d’un indice, appelé l’indice foliaire. En gestion en SMCC, aucune donnée n’existe encore, d’où le double intérêt de l’étudier !

Cet indice foliaire correspond à la surface de feuilles sur une surface de récolte donnée. Il faut alors récolter les feuilles tombées sur une zone bien définie, mesurer la surface totale, c’est-à-dire la surface de toutes les feuilles ramassées, et diviser par la surface de la zone de ramassage.

Les étapes de cette démarche expérimentale ont alors été :

1) Le matériel nécessaire :
Des cagettes (photo ci-contre) ont été utilisées pour récolter les feuilles sur une surface connue.

2) Définition des zones d’étude :
Le réseau de placettes existant a été utilisé, permettant de bénéficier de zones déjà riches en informations (recensement des arbres et de leur diamètre). Une vingtaine ont été sélectionnées sur les communes de Saint-Loup-sur-Aujon et Vals-des-Tilles.

3) Récoltes des feuilles :
4 récoltes ont été nécessaires entre entre mi-octobre et mi-janvier pour collecter toutes les feuilles. Deux ont été réalisées par les collégiens, et une avec l’aide de bénévoles.

4) Analyses en laboratoire :
Une partie des analyses se sont déroulées dans les laboratoires de Tous Chercheurs avec les collégiens (l’autre partie par les équipes de recherches de l’INRAE). Elles ont consisté à :

  • Trier les feuilles par essences ;
  • Déterminer les essences ;
  • Mesurer la surface des feuilles à l’aide d’un planimètre

Intégration du grand public : quand collégiens et bénévoles revêtent les blouses blanches.

Qui dit sciences participatives …. Dit participation du grand public ! Ce projet s’est principalement déroulé avec la participation des classes de 5ème du collège de Prauthoy (promotions 2022-2023 et 2023-2024), grâce à leur enseignante de SVT qui a su intégrer notre projet de recherche participative à leur programme scolaire. Suite à une conférence donnée au lancement du projet, des bénévoles sont également venu prêter main forte. Des primaires de l’école de Saint-Loup-sur-Aujon ont également participé à la collecte de feuilles d’une placette située près de l’école.
Enfin, de nombreux animateurs des différents partenaires de la FIE nous ont rejoint pour encadrer le bon déroulement des sorties en forêt pour la collecte des échantillons et la visite des laboratoires pour l’analyse des données. Merci à eux !

Retour en images sur le déroulement de cette aventure

Des résultats à venir

Toutes ces analyses permettront l’obtention de résultats en cours de traitement. C’est tout de même 8 757 feuilles qui ont été analysées la première année, dont près de la moitié par les collégiens !

S’agissant d’une étude scientifique, les résultats seront valorisés par une publication dans une revue scientifique. Cela implique donc que nous attendions sa publication avant toute communication sur les résultats de l’étude.

Patience donc …

Les partenaires

Ce projet, qui bénéficie du soutien financier de la Région Grand Est, regroupe les partenaires de la FIE : le Parc national de forêts, l’Office National des Forêts, le Syndicat Intercommunal de Gestion Forestière de la Région d’Auberive, le Centre National de la Propriété Forestière, les associations des Communes Forestières, la Ligue de l’Enseignement, la Maison de la Forêt de Leuglay, la Communauté de Communes d’Auberive, Vingeanne Montsaugeonnais, l’association ProSilva France, et AgroParisTech.

Il mobilise également les partenaires spécialisés suivant :

  • INRAE Centre de Nancy, UMR Silva, unité mixte de recherche AgroParisTech – INRAE – Université de Lorraine, dont l’expertise scientifique sur la réponse des écosystèmes forestiers aux aléas climatiques, en particulier à la sécheresse, est largement reconnue. Ses recherches sur les dysfonctionnements des peuplements, les dépérissements forestiers et la mortalité des arbres, sont au cœur de ce projet.
  • Tous Chercheurs à Nancy-Champenoux dont la vocation est de mettre la recherche scientifique à la portée de tous dans des espaces offrant les conditions d’un apprentissage du type : « apprendre en faisant ». Les publics accueillis en stage (élèves, grand public, associations, professionnels) adopteront pendant deux à trois jours consécutifs la posture d’un chercheur pour résoudre le problème qui leur sera présenté pour contribuer à l’objectif du présent projet. Ils proposeront des hypothèses de travail, imagineront leur protocole, expérimenteront, discuteront et communiqueront leurs résultats.
  • Le Labex ARBRE, qui a engagé depuis sa création une réflexion stratégique sur la culture scientifique et technique, accompagne en outre des initiatives visant à former à la démarche de recherche et à communiquer vers les publics.