Fin 2022, la Forêt Irrégulière École lançait un appel d’offre de stage. Nous offrions la possibilité à un.e étudiant.e de proposer un sujet qui l’intéresse. Le sujet qui nous paraissait le plus intéressant pourrait ainsi être financé. Mathéo Mosnier, étudiant en première année de master à l’Université de Lorraine à Nancy, dans le parcours « Bois, Forêt et Développement Durable », nous a alors contacté.

Lors d’un précédent stage réalisé à l’Office National des Forêts (ONF), Mathéo s’était entrainé au suivi des microhabitats forestiers dans des réserves. Ces suivis sont réalisés depuis le sol. Or, bon nombre d’habitats se trouvent en hauteur, dans les branches, parfois haut perchés. Il s’était alors interrogé sur le nombre de microhabitats qu’il pouvait manquer. Mêlant son intérêt pour cette thématique à l’un de ses passe-temps personnels, il a proposé une étude novatrice: caractériser les microhabitats forestiers sur toute la hauteur de l’arbre, en comparant la description depuis le sol à une description par grimpe d’arbre.

Retour sur ses deux mois et demi de stage…

Les microhabitats forestiers

Les microhabitats forestiers sont appelés « dendro-microhabitats » (DMH); littéralement, les petits habitats des arbres. Il s’agit de singularités morphologiques distinctes de petite taille, comme des trous de pics, des décollements d’écorce, des cavités aux racines, etc. Elles permettent à différentes espèces de nicher, se nourrir, ou encore se reproduire. Chaque espèce vit préférentiellement dans un DMH spécifique. Ils sont donc essentiels pour la biodiversité.

La richesse en DMH dans les forêts est variable. En effet, cela dépend des essences d’arbres présentes, des diamètres et de l’âge des arbres. Des gros arbres vont ainsi présenter une plus grande richesse en DMH, de même que les vieux arbres. Ils se rencontrent à la fois sur des arbres vivants, et des arbres morts.

Les DMH peuvent être spécifiques à certaines essences, différents entre les bois morts et les bois vivants. Il en existe un très grand nombre.

Classification standardisée des DMH

Les DMH constituent aujourd’hui un indicateur de biodiversité et renseignent également du degré de naturalité des forêts. Ils sont ainsi de plus en plus suivis, notamment dans la gestion forestière courante. Afin de permettre une comparaison des différentes études des DMH, une homogénéisation du suivi des DMH a été obligatoire. Ainsi, une typologie des DMH a été proposée suivant des formes, des groupes et des types, comme présenté ci-après.

Source de la typologie des DMH : Larrieu, L., Paillet, Y., Winter, S., Bütler, R., Kraus, D., Krumm, F., Lachat, T., Michel, A. K., Regnery, B., & Vandekerkhove, K. (2018). Tree related microhabitats in temperate and Mediterranean European forests : A hierarchical typology for inventory standardization. Ecological Indicators, 84, 194‑207. Lien vers l’article

La problématique et protocole

Bien que les DMH suscitent un fort intérêt en Europe, il reste encore beaucoup d’inconnus, notamment concernant leur répartition verticale. De plus, aucune étude ne s’est encore intéressée à l’impact du changement de point de vue (vue du bas vs vue d’en haut) lors de la description de ces habitats.

Ainsi, Mathéo a souhaité répondre à deux objectifs avec son étude :
– Comparer une description depuis le sol à une description en hauteur par grimpe d’arbre;
– Établir une première répartition verticale, à la fois qualitativement et quantitativement, des DMH.

Le protocole suivant a été défini:
– Inventaire en DMH de chaque arbre depuis le sol puis, dans un second temps, par grimpe d’arbre ;
– Uniquement sur les plus gros arbres (diamètre supérieur à 60 cm) pour maximiser le nombre de DMH présents ;
– Une seule essence d’arbre étudiée : le hêtre.
Les inventaires ont été réalisés en suivant la typologie présentée précédemment (Larrieu et al., 2018).

Cette étude fut menée dans la Réserve Biologique Intégrale (RBI) du bois des Roncés, en s’appuyant sur le réseau de placettes permanentes.

Résultats de l’étude des microhabitats forestiers

Cette étude a montré en premier lieu une disparité d’apparition des DMH: certains, comme les cavités de pic, apparaissent très peu, tandis que les les branches mortes sont très nombreuses.

Comparaison des méthodes d’observation:
Au total, 35 types de DMH ont été identifiés, dont 20 assez représentés. Bien que le temps d’observation soit quasiment identique au sol ou par grimpe, 1 383 DMH furent observés par grimpe d’arbre, tandis que 583 furent observés depuis le sol. Cela équivaut à 58% de plus par grimpe !
Cela peut s’expliquer par la hauteur à laquelle les DMH apparaissent, mais surtout par le changement de perspective, les déplacements dans l’arbre qui permettent nécessairement une meilleure observation, et une étude plus attentive de l’arbre lors de la grimpe avec la phase d’installation.

Distribution verticale des DMH:
L’étude a permis de fournir une première répartition verticale de certains types de DMH. De façon générale, peu sont présents en dessous de 4 m et au dessus de 20 m de hauteur. Entre 5 et 15 m, les hêtres sont porteurs d’une d’une grande quantité de DHM diversifiés. La répartition verticale des DMH varie suivant le type de DMH considéré.

Figure provenant du rapport de stage de Mathéo Mosnier montrant la répartition verticale de certains types de DMH.

Cette étude mérite d’être complétée par d’autres analyses, mais offre déjà de premières informations très intéressantes.
Pour tout savoir sur l’étude de Mathéo, retrouvez son rapport de stage en accès libre juste en dessous.

Merci au Parc national de forêts, à l’Office National des Forêts et l’ABC de l’Arbre pour leur participation et leur aide à la réalisation du stage de Mathéo.